Qu'est ce que l'agriculture biologique, concrétement ?
Le label biologique fait partie du quotidien de nombreux français. Pourtant, peu de personnes sont capables d'expliquer ce qu'il signifie concrètement.
Contexte : l’agriculture biologique en France
Née dans les année 1920, l’agriculture biologique est officiellement reconnue en France par les pouvoirs publics en 1981, avant d’être généralisée au niveau européen à partir des années 1990.
En 2022, l’agriculture biologique représente 60 000 fermes (certifiées ou en conversion) ; soit 14,2% des fermes françaises. Un chiffre en progression de 3,5% sur cette même année. En termes de surface : cela représente 2,88 millions d’hectares sur le territoire ; soit un peu plus de 10% du territoire agricole français. Cela fait de la France : la première surface biologique en Europe.
La philosophie de l’agriculture biologique
L’agriculture biologique est un système de production agricole dont la philosophie repose sur le respect des équilibres écologiques, des sols, de l’eau, la préservation de la biodiversité et l’interdiction de l’utilisation des produits chimiques.
Dans la pratique l’agriculture biologique vise à cultiver des aliments de manière naturelle, sans utiliser de produits chimiques tels que :
- Les pesticides de synthèse ;
- Les herbicides ;
- Les engrais de synthèse ;
- Les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés).
Les avantages de l’agriculture biologique
Pour l'environnement
L'agriculture biologique favorise la préservation des sols en encourageant la fertilité naturelle et en limitant l'érosion. Elle réduit également la pollution de l'eau et de l'air en évitant l'utilisation de produits chimiques nocifs. De plus, les pratiques biologiques encouragent la diversité des cultures, ce qui contribue à la préservation de la biodiversité.
Pour la santé
Les aliments biologiques sont cultivés sans l'utilisation de pesticides synthétiques, ce qui réduit l'exposition aux résidus chimiques. Ils sont également exempts d'OGM, dont les effets à long terme sur la santé humaine sont encore incertains. De plus, certaines études suggèrent que les aliments biologiques peuvent contenir des niveaux plus élevés de certains nutriments, tels que les antioxydants.
Le cahier des charges (simplifié) de l’agriculture biologique
Ce qu'il n'est pas autorisé de faire :
- Les produits chimiques de synthèse tels que les pesticides et les engrais chimiques sont interdits ;
- L’utilisation OGM (une présence de traces fortuites est acceptée jusqu’à 0,9 %) ;
- Dans le cas d’élevages : l’utilisation d'antibiotiques et d'hormones de croissance pour le bétail est interdite.
Ce qu'il est encouragé de faire :
- Une gestion durable du sol, la préservation de la biodiversité, la rotation des cultures ;
- L'utilisation de prédateurs naturels pour contrôler les ravageurs et les maladies ;
- L’utilisation de pesticides naturels en cas d’absence d’alternatives ;
- L’utilisation des semences biologiques certifiées, produites à partir de plantes cultivées selon des normes biologiques.
Les obligations légales :
- Pour commercialiser des produits biologiques, il faut obtenir la certification biologique délivrée par un organisme de contrôle agréé ;
- Cette certification permet d’utiliser la marque "AB" (non-obligatoire) ou « L’Eurofeuille » (obligatoire), indiquent la conformité aux réglementations françaises et européennes ;
- Les producteurs et transformateurs doivent pouvoir traçer l'origine biologique des matières premières et des produits finis.
Les critères de l'agriculture biologique en France sont définis par la réglementation nationale, principalement basée sur le règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil de l'Union européenne et ses règlements d'application.
Ces critères sont régulièrement contrôlés par des organismes de contrôle agréés pour s'assurer du respect des normes biologiques en France.
Les limites de l’agriculture biologique
Bien que le label bio vise à promouvoir une agriculture respectueuse de l'environnement et de la santé, il n'est pas exempt de limites.
L’utilisation de pesticides autorisés en agriculture biologique
Cela peut paraître étonnant mais l’agriculture biologique autorise bel et bien l’utilisation de pesticides. Cependant ils doivent être d'origine naturelle. On les appelle des pesticides naturels ou des biopesticides. Ils sont une centaine à être autorisés et sont encadrés par l’UE.
Les pesticides naturels sont moins nocifs que les pesticides de synthèse. Pour autant, ils ne sont pas exempts de dangers. Certains d’entre eux sont même controversés.
C’est par exemple le cas du spinosad, un insecticide autorisé en agriculture biologique. Malgré sa classification dans la catégorie "naturel", il est reconnu pour sa toxicité élevée envers les pollinisateurs tels que les abeilles et autres insectes. Par extension, certains études et spécialistes craignent une toxicité envers l’organisme humain. Autre exemple controversé : le BT (Bacillus-Thuringiensis). Il serait le biopesticide le plus utilisé dans le monde. Son rôle : lutter, ou plutôt, tuer, les chenilles présentent sur les végétaux.
Comme l’a montré le reportage de Cash Investigation – « Alerte sur le Bio » (France 2, diffusion juin 2023), ces deux exemples sont sous la surveillance active de l’autorité européenne chargée d’évaluer les risques liés à l’alimentation : l’EFSA.
Autre cas emblématique : le sulfate de cuivre. D’après l'EFSA, le cuivre est le pesticide le plus retrouvé sur les aliments biologiques. Concrètement c’est un fongicide. C’est un dire un produit permettant de lutter contre des champignons dans les cultures. Il est notamment très utilisé dans le vin (notamment sous le mélange appelé « bouille bordelaise »). Inconvénient majeur pour la nature : c’est un métal lourd ne se dégradant pas dans le sol. Lors de son application il est recommandé aux agriculteurs de porter des équipements de protection.
Pour obtenir les seuils autorisés actuels en France, il est recommandé de consulter les textes législatifs et réglementaires tels que le règlement (CE) n° 889/2008 de l'Union européenne. Il fixe les règles d'application spécifiques pour la production biologique.
Les organismes de certification en France, tels que l'Agence Bio, sont chargés de surveiller et de contrôler la conformité des produits biologiques aux normes et aux seuils autorisés en matière de résidus de pesticides. Ils effectuent des inspections régulières et des tests pour s'assurer du respect des critères biologiques et de la sécurité alimentaire.
Les risques de contamination croisées
Une autre préoccupation est la contamination croisée entre les cultures biologiques et conventionnelles (utilisant des produits chimiques). Malgré les mesures prises pour l’éviter, il est possible que des pesticides conventionnels se retrouvent dans des produits biologiques en raison de la proximité des cultures ou de la contamination de l'environnement. Les pesticides peuvent également être transportés par des insectes, des oiseaux ou d'autres animaux d'une culture à une autre.
Ils peuvent persister dans le sol, l'eau et l'air pendant une certaine période. Si une culture biologique est cultivée dans un environnement où des pesticides conventionnels ont été utilisés précédemment, il y a un risque de contamination.
Les sols peuvent être contaminés de différentes manières. L'une des principales sources de contamination provient de l'utilisation antérieure de pesticides et d'engrais chimiques dans des exploitations agricoles conventionnelles. Si une culture biologique est cultivée dans un environnement où des pesticides conventionnels ont été utilisés précédemment, il existe un risque que des résidus de ces substances se retrouvent dans le sol, pouvant potentiellement contaminer les cultures biologiques.
De plus, l'eau utilisée pour l'irrigation des cultures peut également être une source de contamination des sols. Si l'eau utilisée contient des substances polluantes ou des résidus de produits chimiques, elle peut affecter la qualité des sols et, par conséquent, des cultures biologiques qui y sont cultivées. Il est donc crucial de contrôler la qualité de l'eau d'irrigation pour minimiser tout risque de contamination.
Pour prévenir ces risques, l'agriculture biologique met en place des mesures de contrôle des sols. Les organismes de certification, responsables de la délivrance des labels biologiques, exigent que les agriculteurs biologiques maintiennent des pratiques de gestion durable des sols. Cela comprend la surveillance régulière de la qualité des sols, l'évaluation de leur composition chimique et physique, ainsi que la mise en place de pratiques telles que la rotation des cultures et l'ajout de matières organiques pour favoriser la santé des sols.
Labels bio et cetifications
Mention AB et Eurofeuille
Pour garantir la confiance des consommateurs, de nombreux pays ont mis en place des certifications et des labels pour les produits biologiques.
En France, le label AB (Agriculture Biologique) est un symbole utilisé et créé par le ministère de l'Agriculture. Il garantit qu'un aliment est 100% biologique, ou dans le cas d’un produit transformé, il contient au moins 95% de produits agricoles biologiques. L'utilisation de ce logo français AB est facultative.
Au niveau européen, le logo Eurofeuille représente le label européen qui identifie les produits répondant aux normes de l'agriculture biologique. Ce logo est obligatoire pour les produits biologiques et doit être accompagné d'une mention indiquant l'origine des matières premières, ainsi que du numéro de l'organisme certificateur. Ce numéro est composé du code international du pays de production du produit, suivi de "BIO" et d'un numéro d'ordre. Par exemple, pour un produit fabriqué en France, le numéro pourrait être FR-BIO-09. La liste des organismes certificateurs agréés en France est disponible sur le site de l'Agence Bio.
Certifications
Pour commercialiser des produits à base d'ingrédients biologiques, il est impératif de suivre une série d'étapes réglementaires. Tout d'abord, il convient de procéder à la notification de l'activité auprès de l'Agence bio, qui est l'organisme compétent dans ce domaine.
Une fois cette notification effectuée, il est nécessaire de faire appel à un organisme de contrôle agréé par l'Institut national de l'origine et de la qualité agricole (INAO). Celui-ci procédera à un contrôle rigoureux, après lequel il délivrera un certificat de conformité attestant de la qualité biologique des produits. En France, ils sont une dizaine d’organismes certificateurs officiels, dont le premier d’entre eux est Ecocert.
Ecocert est de loin le plus important puisqu’il représente à lui seul 50% des certifications biologiques en France avec plus de 30 000 producteurs enregistrés. En tant qu’organisme indépendant, il doit vérifier la conformité des produits aux normes de l'agriculture biologique. Comme les autres organismes, il certifie différents types de produits, tels que les produits alimentaires, les cosmétiques, les textiles, les produits d'entretien, etc.
Labels et marques complémentaires
L’obtention d’une certification auprès d’un organisme (comme Ecocert) est nécessaire afin de revendique le label biologique. Cependant, certains agriculteurs, transformateurs ou entreprises souhaitent revendiquer un cahier des charges plus complet.
C’est ainsi qu’existent des initiatives allant plus loin que le label bio. Par exemple :
- Nature & Progrès (+1 000 agriculteurs en France) label associatif garantissant, notamment, l’encadrement de l’exposition à des pollutions à proximité des champs (ex : 500m de distance des autoroutes ou des champs traités chimiquement), l’utilisation très limitée de pesticides naturels ou encore le respect strict des saisons. (chiffres)
- Demeter (+1 000 agriculteurs en France) : label garantissant que des aliments, cosmétiques et textiles sont issus d’une agriculture biodynamique. Concrètement cela implique de consacrer 10% de la surface agricole de la ferme à des zones de biodiversité, utiliser du composte à minima une fois par an pour revitaliser les sols ou encore invitant les agriculteurs à respecter des rythmes solaires et lunaires. (chiffres)
- Bio Cohérence (+600 agriculteurs en France) : label garantissant que les produits sont fabriqués en France, les ingrédients sont d’origine française (sauf si l’ingrédient n’existe pas en France) ou encore la stricte interdiction de l’utilisation de serres (autorisée sous conditions dans l’agriculture biologique). (chiffres).
Il existe d’autres labels privés comme Bio Partenaire, Ensemble Solidaires avec les producteurs (Biocoop) ou Ecocert Équitable (Ecocert).
Pour aller plus loin vous pouvez consulter le document « La Boussole des Labels » publié en 2021 par les associations associations FAIRe un monde équitable, Actionaid et Bioconsom’acteurs.
Les controverses autour du label HVE
Créé en 2012, le label HVE (Haute Valeur Environnementale) est une certification française issue du Grenelle de l'Environnement de 2007.
Depuis 2020 il connaît une croissance très importante. Au 1er juillet 2020, il n’y avait 8 218 exploitations agricoles certifiées HVE. Au 1er janvier 2023 : 36 225 exploitation agricoles sont certifiées HVE d’après le ministère de l’agriculture français. Elles représentent à ce jour 2,15 millions d’hectares ; soit environ 8% de la surface agricole française.
Sur le papier, l’objectif de ce label semble noble : protéger la biodiversité, réduire l’utilisation des produits phytosanitaires ou encore d’optimiser la gestion de la ressource en eau.
Cependant, dans la pratique, le label est accusé de faire du « greenwahing » en trompant les consommateurs. C’est ce qu’a révélé le reportage SUR LE FRONT – « HVE : le label qui tue le bio ? » (France, diffusion juillet 2023).
Le premier reproche fait au label HVE est l’autorisation de pesticides chimiques (interdits en agriculture biologique). Depuis le début de l’année 2023, les pesticides catégorisés CMR1 (dont le risque cancérigène est élevé) sont interdits, mais l’utilisation de produits phytosanitaires catégorisés CMR2 et CMR3 sont toujours autorisés.
Le label HVE autorise les cultures hors-sols (sans que les aliments soient en contact avec la terre), dans des serres chauffées, sans tenir compte des saisons. Ainsi, comme c’est montré dans le reportage cité ci-dessus, il est possible de faire pousser des tomates en plein hiver, dans des serres chauffées en continu, de jour comme de nuit.
C’est une approche industrielle et déconnectée des cycles naturels. En plus d’être un gouffre énergétique, les serres de nuit créent une pollution visuelle pour la nature et les animaux aux alentours, en particulier, les oiseux.
Avec un cahier des charges allégé, comparé au bio, il est plus facile d’obtenir le label HVE. Cela engendre moins de coûts pour les agriculteurs et les produits HVE deviennent ainsi plus compétitifs dans les rayons. Si cette attractivité se fait par une acceptation éclairée des consommateurs à une qualité inférieure à l’AB, cela poserait moins de problèmes.
Cependant, le secteur du bio - dans sa grande majorité - reproche au label HVE de créer une confusion chez le consommateur. Ils dénoncent une concurrence déloyale du sigle « Haute Valeur Environnementale » sur le packaging des produits, pouvant laisser croire à une équivalence avec le bio, alors que le cahier des charges est bien inférieur en termes d’exigences.
En termes de subventions pour les agriculteurs, le documentaire SUR LE FRONT montre que label HVE et BIO sont considérés comme équivalents pour la PAC (Politique Agricole Commune) gérant les aides au niveau européen : 80€ d’aide l’hectare HVE contre 110€ d’aide l’hectare BIO (contre 230€ en 2018.) ; soit une différence de 30€ alors des contraintes bien moins importantes côté HVE.
La facilité d’obtention du HVE, avec le peu de contraintes associées, pousse certains agriculteurs en difficultés financière à repousser leur transition vers le bio, voir même faire marche arrière, pour ceux qui avaient déjà franchi le pas. Ces phénomènes de renoncements mettent en danger l’atteinte de l’objectif fixé par la Commission Européenne à la France de 25% de SAU (surface agricole utile) en bio d’ici 2030. Nous sommes aujourd’hui à environ 14%.
Afin de créer une prise de conscience auprès de l’opinion publique et des pouvoirs publiques, des milliers de militants, agriculteurs, et magasins bio se mobilisent pour dénoncer le label HVE et alertent sur le besoin de protéger une filière biologique, affectée depuis la fin de la crise sanitaire, où agriculteurs et consommateurs font face à des difficultés financières.
Une phrase extraite du rapport 2022 de la Cour des Comptes sur le soutien à l’agriculture biologique résume le piège tendu par HVE à la filière bio :
« L’objectif initial d’accompagner les agriculteurs dans un changement progressif vers des pratiques plus respectueuses de l’environnement semble avoir été remplacé par celui de procurer au plus grand nombre possible d’exploitations agricoles des revenus supplémentaires. »
Conclusion
L'agriculture biologique favorise une agriculture durable, protectrice de l’environnement et de la santé – principalement - en supprimant l’utilisation de produits chimiques.
Malheureusement cette interdiction n’évite pas l’utilisation d’autres produits controversés comme les pesticides naturels. L’origine naturelle de ces derniers ne fait pas d’eux des produits inoffensifs. Nombre d’entre eux sont surveillés de très près par les instances sanitaires.
Ceci étant dit, si le cahier des charges du bio n’est pas parfait, il constitue à ce jour la protection la plus sérieuse, à son échelle, afin de préserver l’environnement et la santé des consommateurs. C’est d’autant plus le vrai avec la récente popularisation de labels alternatifs aux cahiers des charges beaucoup moins exigeants, comme le label HVE.
C’est pourquoi il est important de se renseigner autant que possible sur les labels que l’on voit imprimés sur les produits du quotidien.
Merci d’avoir pris le temps de lire l’article jusqu’au bout. Son but est d’expliquer le plus simplement possible, avec un maximum de sources, c’est qu’est l’agriculture biologique, ses enjeux et ses limites. Cependant, si vous notez des erreurs, des approximations ou des sujets incomplets, nous serons heureux de les prendre en compte afin d’enrichir l’article.
Dernière mise à jour : 07/07/2023
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